Internet, un pont entre voyants et non-voyants

Voici l’article tel qu’il a été publié. Ce que je préciserai au sujet des associations d’handicapés de la vue, c’est que ce qu’elles font est génial. Leur rôle est d’améliorer la vie quotidienne des handicapés de la vue, et elles le font très bien. Mais elles ne peuvent pas tout faire, c’est pourquoi j’ai créé ce site qui est plutôt orienté sur l’intégration dans la société. Ceci a malheureusement mal été retranscri dans l’article qui suit.

Natacha de Montmollin: «Grâce au clavier et écran braille, maintenant c’est l’indépendance.» Aveugle de naissance, la jeune femme a lancé un site pour expliquer le monde dans lequel elle vit et dire aux voyants comment agir en présence des handicapés de la vue.Internet, un pont entre voyants et non-voyants

Gaël Hurlimann
Mardi 9 octobre 2001
L’Association pour le bien des aveugles a 100 ans. Sous le titre «Visiteurs de la nuit», le mois d’octobre sera marqué par diverses manifestations. De son côté et dans un style free lance et dynamique, Natacha de Montmollin, jeune informaticienne de 28 ans, a lancé seule son propre site, blindlife.ch, «comme un pont entre ceux qui voient et les handicapés de la vue».
Le Temps: Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer ce site?
Natacha de Montmollin: Je voulais expliquer aux gens qui voient comment se comporter, que faire avec les aveugles. C’était il y a deux ans et il n’existait aucun site qui propose ce genre d’informations. On m’a dit: «Ton site est bien au niveau du contenu, mais il est franchement moche». C’est vrai: le design, c’est pas mon truc! Alors j’ai demandé de l’aide à mon mari, qui travaille aussi dans le domaine informatique. Je propose aussi un service: je transcris en braille les menus des restaurants qui le souhaitent. En échange, comme ça me donne faim, je leur demande un repas gratuit.

Que vous a amené Internet?
Disons que… grâce au clavier et écran braille, c’est la première fois que j’ai pu consulter mon courrier moi-même. Je peux aussi choisir ce que je veux lire. Parce que quand on me lit des articles, ça doit toujours être en accord avec la personne qui veut bien me rendre ce service. Maintenant, de ce côté-là, c’est l’indépendance.

Vous faites aussi vos courses sur le Net?
Ça, c’est un problème: j’ai essayé, mais les sites ne sont pas adaptés. Ils sont plein d’images, c’est presque impossible de s’en sortir quand on ne les voit pas. Les CFF ont un site adapté: je peux consulter leurs horaires. Mais ce n’est pas le cas des Transports publics de Neuchâtel: je leur ai écrit, je n’ai jamais eu de réponse. Au travail aussi, ça aide. Mes collègues me font parvenir leurs notes par la messagerie informatique: ça simplifie la communication.

Votre PC est-il spécialement adapté?
Non, c’est un ordinateur normal. J’ai simplement ajouté une ligne braille et un logiciel spécial. Ils m’expliquent les éléments qui sont présents à l’écran: un «f» pour fenêtre, un «b» pour bouton… Ça coûte 20 000 francs: heureusement, c’est l’assurance invalidité qui paie.

Vous travaillez toute la journée à l’écran… Enfin, plutôt, devant un ordinateur?
Si, si, j’insiste: devant un écran! Autrement, mes collègues ont l’impression que je ne fais rien! C’est aussi utile quand on travaille en équipe. Je travaille comme informaticienne pour la Ville de Neuchâtel.

A 100%?
Non, à 70%. Je fais du sport: de la course à pied et du roller en été et beaucoup de ski en hiver. On a d’ailleurs monté, il y a une année, une équipe de démonstration, avec des skieurs qui, comme moi, ont fait de la compétition. C’est la même démarche que le site: éduquer les gens. Sur les pistes, je suis précédée d’un guide. C’est vrai qu’il crie, pour m’indiquer la direction à suivre. Souvent, depuis les télésièges, les skieurs crient «gauche» quand le guide me dit «droite»: c’est dangereux pour moi, mais les gens ne s’en rendent pas compte. Il faut le leur expliquer.

Est-ce que vous travaillez avec les associations, notamment «Internet pour tous», qui sensibilisent comme vous les voyants dans leurs interactions avec les aveugles?
Non. Je sais ce qu’elles font, mais le monde des associations pour aveugles est compliqué. Je préfère éviter de bosser avec des institutions trop bureaucratiques, qui se tirent parfois dans les pattes. Et puis, souvent, elles réfléchissent seulement au bien des aveugles, comme s’ils pouvaient vivre en vase clos. Elles ne font rien pour notre intégration dans la société. Moi, je veux créer des liens: nous vivons ensemble dans le même monde. Il y a un grand besoin d’informations. Avec Internet, j’ai trouvé un moyen de toucher facilement beaucoup de gens, près de 900 personnes par mois. Je fais aussi ces démonstrations à ski, mais une seule station, sur cent vingt contactées, a répondu. Sinon, je vais encore dans des classes, pour expliquer aux écoliers comment se comporter avec un aveugle. Je rêve d’avoir plus de temps pour ça: en travaillant à 40%, j’aurais du temps pour développer le contact avec les autres, pour faire ce travail d’intégration.


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